dimanche 3 avril 2011

Sortir du nucléaire ?

Les événements en cours au Japon (Tremblement de terre le 11/03/2011 suivi d'un Tsunami, suivi d'incidents à répétition dans plusieurs centrales nucléaires) posent abruptement la question du nucléaire aux pays dépendants de cette énergie pour leur électricité. La France est aux premières loges, nous sommes le pays le plus dépendant.

Avec 78% de notre électricité produite à partir d'énergie nucléaire nous sommes en tête des nations atomiques. Cette énergie électrique nucléaire ne représente que 17% des énergies totales consommées en France (pétrole, gaz, électricité...). Au niveau mondial l'énergie nucléaire devient marginale : 2,4% de l'énergie consommée.
C'est durant les années 50 et 60 que la France a fait le choix (presque unique) de l'électricité nucléaire comme source principale avec l'argument majeur de l'indépendance énergétique et en sous-main le reclassement de la recherche militaire.

Fukushima
Fukushima, réacteur 4
Réacteur n°4 de la centrale de Fukushima
le 31/03/2011.
Les japonais sont frappés de plein fouet par une série malheureuse, mais prévisible d'incidents, qui amène 2 de leur centrales au bord du gouffre et menace durablement leurs vies et l'environnement mondial. Les 2 centrales de Fukushima ne sont toujours pas maîtrisées (espérons qu'elle le seront bientôt) et les dégâts déjà occasionnés seront présent pour plusieurs dizaines voir centaines d'années (si rien n'empire).

Technologiquement les japonais étaient préparés à la catastrophe, les tremblement de terre y sont malheureusement courant et si les secousses ont bien stoppé les réacteurs comme prévu, le tsunami qui a suivi a endommagé les systèmes de refroidissement.
Or l'énergie nucléaire n'est pas facile à stopper, il faut des procédures complexes et surtout un refroidissement long, très long, sinon le système se remet en route tout seul et c'est qui arrive à Fukushima.
Pour refroidir les autorités locales n'ont a priori pas eu d'autre choix que de noyer les réacteurs et les piscines de stockage sous l'eau de mer (seule source froide disponible rapidement). Or toute cette eau déversée pendant des jours est à son tour radioactive et rend désormais le nettoyage encore plus compliqué. Le tout a achevé de détruire ce qui restait.

La situation est toujours très critique et des fuites de plus en plus nombreuses y ont lieu.


Pour se tenir bien informé de ce qui se passe au japon, le blog du journaliste Sylvestre Huet (Libération : {Sciences2}) est, à mon avis, la meilleure source française.

Tchernobyl
tchernobyl
Les villes qui n'existent plus
autour de Tchernobyl
(Justin Stahlman)
L'histoire du nucléaire restera marquée par cet accident majeur qui reste lui aussi d'actualité.
Les conditions étaient différentes mais montrent malheureusement qu'un accident nucléaire a des conséquences incontrôlables et longues.

Survenu le 26 avril 1986, cet accident a causé la mort directe de 40 personnes. Les estimations minimales indiquent une surmortalité pour cancer de 4 000 personnes environ et des milliers d'autres contaminées. 230 000 personnes ont été définitivement déplacées et relogées ailleurs. C'est un territoire de 30 km autour de la centrale qui a été diversement irradié et reste encore dangereux.

Le réacteur détruit, recouvert d'un sarcophage de béton, reste une menace. Le sarcophage s'endommage tous les jours et devra être remplacé régulièrement pendant plusieurs centaines d'années sous peine de reproduire l'accident de 1986.

La construction d'une arche de confinement est en cours (pourrait être achevés en 2012, mais il y a déjà des retards) pour un coût de 1,54 milliards d'euros. Cette arche devrait permettre de restaurer le sarcophage et de commencer à décontaminer le site.


France
En France, certains de nos experts (mais surtout nos hommes d'états) nous rassurent en précisant que la France a tout prévu, que nos centrales sont sûres et que nous ne risquons pas ce genre d'incidents, promis, juré, craché.

D'autres experts sont beaucoup moins catégoriques. Le 30 mars dernier, le directeur de l'ASN (Agence de Sureté Nucléaire) a été auditionné par nos députés. Ces propos sont moins rassurants.


L'ASN est ainsi en conflit larvé avec EDF et AREVA au sujet des mesures de sécurité nécessaires sur le futur site d'enfouissement des déchets nucléaire de Bure (en couche géologique profonde). EDF et AREVA accusant l'ASN de gonfler les coûts avec trop de mesures de sécurité... Il est vrai que pour des déchets qui doivent rester à l'abri pour les 200 000 prochaines années dans des couches d'argile à -500 mètres, il est probablement inutile de s'embarasser de détails. Ces mesures de sécurité seraient aux dépends des pauvres actionnaires d'EDF et d'AREVA et en période de crise mieux vaut hypothéquer la vie de nos petits-enfants, on ne sera plus là quand il se plaindront.

Le site expérimental de La Bure doit servir de zone d'essai pour enfouir tous les déchets produits en France par 40 ans d'exploitation nucléaire, soient :
  • 8 000 m3 de déchets à Haute Activité (HAVL), qu'il faut maintenir éloignés car la chaleur résiduelle est si forte que leur proximité entre eux pourrait réactiver les réactions nucléaires. Pour cela 100 km de galerie sont nécessaires. Ces déchets seront très dangereux et devront être surveillés pendant plusieurs milliers d'années... En France nous en produisons environ 1 000 tonnes par an.
  • 17 000 m3 de déchets à Moyenne Activité (MAVL), nécessitant 20 km de galerie. Déchets un peu moins dangereux
Lors de cette audition, l'ASN a aussi précisé que le risque ZERO est impossible.
Si en France la sureté nucléaire semble plutôt bien assurée (c'était aussi le cas au Japon avant la catastrophe) il y a des éléments à améliorer et des scénarios qui n'ont pas été envisagés et qu'il convient d'explorer. Ainsi, si pour certaines centrales le risque sismique est pris en compte, ces effets secondaires et le cumul avec un second risque n'ont pas été étudiés : la rupture d'un barrage suite à un séisme qui conduirait à une inondation du site nucléaire après le tremblement de terre par exemple.

La situation de la maintenance assuré par les "nomades" qui parcourt la France de centrale en centrale et sont embauchés par intérim est très préoccupant. L'existence de ces nomades est du à l'abandon par EDF de la gestion directe de la maintenance qui est désormais confiée à des sous-traitants externes et privés qui doivent être rentables.

Voir le rapport annuel de l'ASN.


Incidents
En 1999 la tempête Martin qui a frappé nos côtes a mis à mal la sécurité de la centrale de Blaye (56 km de Cognac) qui a failli connaître un incident majeur. La pire a heureusement été évité, mais les digues de protection étaient trop basses (cela avait été signalé 2 ans plus tôt) et la tempête a occasionné une inondation du site et notamment de tunnels permettant l'accès aux réacteurs. Depuis les digues ont été relevées semble-t'il. Mais ceci a révélé au grand jour une malfaçon majeure de cette centrale : elle a été construite trop basse et aurait du être bâtie sur une butte... C'est maintenant trop tard.


Plus récemment en 2008, un sous-traitant de la centrale du Triscastin a connu un incident non maîtrisé qui a occasionné la fuite de 300 kg d'uranium naturel dans la rivière proche et les sols environnants (soit la quantité totale de fuite autorisée pour 100 années). Lors de cet incident on a redécouvert un site d'enfouissement attenant qui avait été oublié et on a aussi découvert que la nappe phréatique environnante n'était pas surveillée (avec pourtant une centrale en activité, un site de traitement et un site d'enfouissement sur place)...

Autres incidents en France (niveaux INES) :
  • 1962, Béryl, Sahara, lors de l'essai d'une bombe nucléaire en Algérie, l'armée Français libère accidentellement un nuage radioactif
  • 1969, Saint-Laurent des Eaux, début de fusion accidentelle dans le réacteur A1. Classé niveau 4 selon l'échelle INES.
  • 1973, le CEA avoue que 13 incidents dans l'année ont libérés des radiations au-delà des normes dans leurs laboratoires
  • 1980, Saint-Laurent des Eaux, début de fusion accidentelle dans le réacteur A2. Classé niveau 4 selon l'échelle INES.
  • 1981, incident sur le site de retraitement des déchets de La Hague. Classé niveau 3 selon l'échelle INES.
  • 1999, Blayais, tempête Martin (voir au dessus)
  • 2008, Tricastin (voir au dessus)
  • 2008, un travailleur est exposé accidentellement à une source fortement radioactive à l'ONERA (Toulouse). Classé niveau 3 selon l'échelle INES.
  • 2009, Cruas, incident de niveau 2, arrêt du réacteur n°4
  • 2009, Marcoulle, incident niveau 2 à l'usine MELOX (Areva) lors de la réception d'échantillon de plutonium
  • 2009, Cadarache, incident niveau 2 au laboratoire du CEA, un surplus de 22 kg de plutonium est retrouvé dans le stock du laboratoire... la source est inconnue
Les plus importants incidents nucléaires dans le monde.



Cognac, Blaye : 56 km
Fukushima, réacteur 4
A Cognac, tout cela peut nous sembler bien éloigné, pourtant...

Nous habitons à 56 km (à vol de radiation) de la centrale du Blayais, à 103 km de la centrale de Civaux et à 200 km de celle de Chinon. Si un incident semblable à celui de Fukushima s'y produisait, les habitants de Jonzac, Montendre, Mirambeau, Pauillac, Saint-Laurent de Médoc et Blaye seraient évacués (rayon de 30 km).

La centrale de Blaye a été mise en service entre 1980 et 1983. Elle est désormais agée de 30 ans ce qui est la durée d'exploitation initialement prévue, pourtant son arrêt n'est pas programmé et des investissements supplémentaires sont envisagés pour prolonger sa vie de quelques dizaines d'années en injectant 2,4 milliards d'euros !

En outre cette centrale a connu plusieurs incidents, la plupart très mineurs et répertoriés par l'ASN sur leur site internet depuis 2000. Par exemple très récemment quelques incidents mineurs :
  • 28 janvier 2010, aucun incident mais les forts vents ont déclenché le plan d'alerte (tempête Xynthia)
  • 8 octobre 2010 : le niveau du réservoir de fluide de refroidissement est passé au dessous du seuil d'alarme pendant 18 heures. Rien de grave, sauf si un incident sur le réacteur était survenu au même moment.
  • 8 décembre 2010 : une anomalie détectée concernant la tenue au séisme de divers matériel de pompage de certains réacteurs. Rien de grave, sauf en cas de séisme.
  • 7 février 2011 : un rapport met en évidence que les appareils de mesure des débits sur les circuits de refroidissement primaire sont inadaptés aux mesures à effectuer et ce sur l'ensemble du parc des réacteurs de 900 MWe ! La centrale de Blaye est concernée. Anomalie classé 1 sur l'echelle INES. Rien de grave, sauf en cas de problème de refroidissement...
Ces incidents mineurs montrent qu'une centrale est une technologie lourde, complexe et difficile à maintenir et qui nécessite une surveillance de tous les instants. L'ASN semble faire une surveillance de bonne qualité et relativement transparente (publication des incidents).

Toutefois l'exemple à Blaye de l'incident de 1999 lors de la tempête Martin montre que même en France nous ne sommes pas à l'abri de malfaçons et d'accidents majeurs, qu'il y a toujours des risques et que dans le cas du nucléaire les risques peuvent tourner vite à la catastrophe.

Le rapport annuel de l'ASN concernant la centrale du Blayais indique (et note la situation normale) :
"L’ASN estime que les difficultés rencontrées par la centrale nucléaire du Blayais en 2009, en ce qui concerne les défauts de qualité de la préparation et de l’encadrement des opérations de
maintenance, sont en voie de résorption en 2010.
De même, l’exploitation des réacteurs s’est normalisée. Cependant, le site devra améliorer les lignages des circuits et l’analyse de risques préalables aux interventions.
L’ASN estime que la radioprotection des travailleurs n’a pas toujours été satisfaisante au cours de l’année 2010. Le site doit renforcer l’accompagnement et la surveillance sur le terrain, afin de renouer avec les bons résultats de 2009.
L’organisation de la centrale pour la gestion des situations d’urgence est toujours satisfaisante."




Miracle Atomique
tchernobyl
Le "miracle" de l'énergie nucléaire a un prix à payer :
  • l'acceptation de risques élevés et incontrôlables, La région de Fukushima sera irradiée pour les prochaines décénnies, les réacteurs touchés resteront à gérer par les autorités pendant plusieurs centaines d'années.
  • une gestion impossible de déchets sur plusieurs millénaires
  • une dépendance à l'uranium qui conduit notre pays à soutenir des régimes dictatoriaux en Afrique (lieux d'extraction de l'uranium)
  • un démantèlement impossible des centrales : En France la seule tentative de démantèlement d'une centrale (Brennelis en Bretagne) est un fiasco. Arreté en 1985 le site n'a subi que les 2 premières phases du démantèlement (483 millions d'euros). La troisième phase, la plus délicate, concerne les réacteurs. En 2009 l'entreprise ONET a été choisie pour réaliser ce démantèlement (ONET est aussi la société dont les méthodes sont forts critiquées à Saint-Gobain, on n'ose imaginer ce que ça donne dans le cadre du nucléaire). Depuis les commissions tergiversent, le plan de démantèlement est couteux (très couteux) et ne semble pas respecter toutes les contraintes sécuritaires nécessaires...
    L'impossibilité n'est pas tant technique que financière. Personne ne veut payer le prix du démantèlement. Et il y a 58 réacteurs en activité en France...
Sortir du nucléaire : un débat urgent mais confisqué
tchernobyl
Tchernobyl Day (Ernest Morales)
Il semble être grand temps pour notre pays, de poser clairement le débat et de prévoir un réel plan de sortie du nucléaire.
Un moratoire sur la construction semble un minimum. Un engagement fort vers les énergies renouvelables un axe indispensable pour remplacer petit à petit l'électricité nucléaire par de l'électricité renouvelable.


Le gouvernement reste sourd et s'enferme dans un discours réducteur qui clame que la sûreté en France est meilleure qu'ailleurs, que nous ne risquons rien, et que plus que jamais l'avenir est atomique ! L'état continue à miser sur le nucléaire en prévoyant de nouvelles centrales, des milliards pour prolonger la vie des centrales actuelles ; autant d'investissements qui pourraient dès aujourd'hui servir au réel développement d'énergies alternatives et renouvelables.


Le réseau Sortir du Nucléaire et beaucoup d'autres associations organisent des mobilisations ce mois-ci partout en France à l'occasion des 25 ans de Tchernobyl. Il s'agit de dénoncer la politique du tout nucléaire et de réclamer d'urgence un plan de sortie du nucléaire. De nombreuses manifestations sont prévues et notamment devant les centrales existantes.

Nous réclamons :
  • un moratoire urgent sur l'énergie nucléaire (EPR de Flamanville en construction notamment)
  • un plan de sortie définitive du nucléaire
  • un plan de gestion des déchets et de démantèlement des centrales existantes
  • l'abolition de toutes les usages militaires du nucléaire
  • le développement des énergies renouvelables
  • la mise en place d'un service public de l'énergie
Dans notre région :
  • samedi 9 avril, manifestation à Angoulême à 15h départ de l'hôtel de ville
  • samedi 16 avril, manifestation à Cognac
  • samedi 23 avril, manifestation à Angoulême à 10h au marché Victor Hugo
  • samedi 23 avril, manifestation à Niort à 14h devant les Halles.
Et surtout le grand rendez-vous local :
  • lundi 25 avril (lundi de pâques, férié) grand pique-nique anti-nucléaire devant la centrale du Blayais, avec un co-voiturage à partir de Cognac (départ 10h30, place Gambetta).
    organisé par l'association Tchernoblaye.

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